Imaginer, connaître, exploiter, de l'Antiquité à 1600
30 mai-3 juin 2017 Cerisy-la-Salle (France)

Contributions > Auteurs > Dectot Xavier

Quand l'ivoire venait de la mer. De quelques aspects du commerce de l'ivoire de morse brut et sculpté aux XIe et XIIe siècles.
Xavier Dectot  1, *@  
1 : National Museums of Scotland  (NMS)  -  Site web
Chambers Street Edinburgh EH1 1JF -  Royaume-Uni
* : Auteur correspondant

Même si elle y a aidé, ce n'est pas tant la pénurie d'ivoire d'éléphant que l'expansion scandinave dans l'Atlantique nord qui a entraîné le succès de l'ivoire de morse dans toute l'Europe occidentale. Expansion vers le nord, certes, avec la colonisation de l'Islande puis du Groenland, mais aussi, et peut être même davantage, vers le sud et en particulier vers les îles Britanniques.

L'objet de cette communication est de s'intéresser aux modalités de circulation de ces ivoires et à leur place tant dans le commerce du luxe que dans la circulation des formes. L'intensité de la demande a non seulement entraîné la disparition de l'espèce en Islande mais aussi, probablement, joué un rôle essentiel dans le maintien de la présence scandinave au Groenland, en particulier dans l'établissement de l'ouest, où les conditions de vie étaient les plus difficiles.

Surtout, pour la première fois peut-être, en tout cas pour une production de luxe d'une telle ampleur, la séparation entre les lieux de collecte du matériau et ceux de son exploitation est complète. Il est ainsi remarquable que la seule mention que l'on ait de taille d'ivoire en Islande soit celle de Margret in Haga, à la fin du XIIe siècle, à une époque où les morses ne sont plus, sur l'île, qu'un lointain souvenir. Mais les principaux ateliers se trouvent bien loin de là, en Norvège, en particulier à Trondheim, mais aussi en Angleterre, et ce bien après la fin du Danelaw, voire en France (reine de jeu d'échec/reliquaire du musée de Cluny, Paris). Et il n'y a pas que l'ivoire brut à voyager, mais aussi l'ivoire sculpté, parfois d'ailleurs vers les territoires de provenance de l'ivoire brut. Le devenir de quelques pièces de fabrication anglaise sera étudié, tels le tau de la cathédrale de Winchester (Victoria and Albert Museum, Londres) ou un crosseron (musée de Cluny, Paris) présentant la particularité d'être posé sur un nœud sculpté, pour sa part, en ivoire de narval, mais aussi le crosseron trouvé dans la tombe d'un évêque de Garðar (aujourd'hui Igaliku, Groenland) dont le décor, avec son large fleuron n'est pas non plus sans parentés avec l'art du sud de l'Angleterre (Nationalmuseet, Copenhague).

Enfin, il faut aussi s'interroger sur le rôle de ces ivoires de morse dans l'évolution du goût et dans les échanges stylistiques, certains des ateliers d'ivoire étant physiquement autant que stylistiquement très proches de grands chantiers architecturaux du XIIe siècle (Nidaros et Cantorbéry en particulier). La circulation aisée, portée par une forte demande, de ces objets de petite taille, relativement faciles à tailler, mais souvent extrêmement travaillés, a pu jouer un rôle non négligeable dans les transferts entre des centres par ailleurs très éloignés.



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